Analyse

Mal-logement : aux racines de l’inquiétude

Depuis les années 1970, les conditions de logement s’améliorent globalement. Comment expliquer alors que le mal-logement continue à faire débat ? Article extrait du Centre d’observation de la société.

Publié le 19 août 2016

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Modes de vie Logement

A l’époque de l’appel de l’Abbé Pierre en 1954, des centaines de milliers de familles s’entassent encore dans des bidonvilles. En 1973, 40 % des logements ne disposent pas du confort sanitaire (WC et eau courante), contre moins de 1 % en 2013, selon l’Insee. La Fondation Abbé Pierre note que leur nombre a baissé de 41 % entre 2006 et 2013, de 561 000 à 332 000. Depuis le début des années 1970, la surface moyenne des logements par ménage est passée de 72 à 91 m² en 2013. Les normes de construction, d’isolation phonique ou thermique et le développement de l’habitat pavillonnaire y sont pour beaucoup. Si l’on prend du recul, les conditions de logement s’améliorent. Pourtant, le mal-logement continue à faire débat [1]. Cette situation peut s’expliquer de quatre façons différentes.

France métropolitaine - Absence d'au moins un des éléments suivants : eau, WC, douche ou baignoire

Source : Insee, enquêtes Logement - © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Premièrement, l’amélioration des conditions d’habitat a coûté très cher : la part du logement est passée de 11 à 25 % du budget des ménages entre 1960 et 2011 en raison de l’augmentation des loyers, notamment dans les grandes villes. Une partie de la population se voit ainsi obligée de s’éloigner des centres-villes ou de vivre dans des logements de taille réduite. Les jeunes adultes subissent de plein fouet la conséquence des hausses de loyer et des prix à l’achat (très fortes entre 1998 et 2008). Une partie des couches moyennes qui souhaitent rester au cœur des grandes villes - notamment à Paris - voit son niveau de vie réduit par le budget logement et se contente de surfaces réduites.

Deuxièmement, les moyennes masquent des écarts massifs. Entre, par exemple, les propriétaires qui ont achevé de rembourser leurs emprunts et les jeunes qui ont recours au secteur privé onéreux faute de pouvoir accéder au logement social. Si l’on considère le critère de la surface, les conditions de logement s’améliorent surtout pour ceux qui accèdent à la propriété. Les inégalités se sont accrues en fonction du niveau de vie : alors que les 20 % les plus riches ont vu leur surface moyenne par personne augmenter de 10,4 m² (de 42,4 à 52,8 m²) entre 1988 et 2006, celle des 20 % les plus pauvres a progressé seulement de 4,7 m² (de 26,1 à 30,8 m²). Il est probable que les données 2013 sur la surface des logements selon la tranche de revenus non encore publiées, feront apparaître des écarts encore plus grands.

Troisièmement, la situation semble s’être modifiée dans les années récentes. L’Insee a publié quelques données pour l’année 2013 qui indiquent que la surface moyenne stagne par rapport à 2006, une première depuis 1973 (voir graphique ci-dessous). Toujours selon l’Insee, le nombre de sans domicile a augmenté de 50 % entre 2001 et 2012 [2]. En exploitant, les données de l’enquête logement de 2013, [la Fondation Abbé Pierre [3] remarque que le nombre de personnes de plus de 25 ans contraintes de revenir habiter chez leurs parents a augmenté de 20 % entre 2002 et 2013, celui de la population en situation de surpeuplement accentué a progressé de 17 % entre 2006 et 2013 et celui du taux d’effort financier du logement excessif [4] de 42 % au cours de la même période. Des signes inquiétants.

France métropolitaine

Source : Insee, enquêtes Logement - © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Quatrièmement, le mal-logement, comme la pauvreté [5], est relatif à un état de la société donné et surtout son niveau de richesse. 141 000 personnes sont sans domicile : c’est très peu par rapport aux années 1950, mais choquant compte tenu de notre niveau de vie actuel. Comme le note la Fondation Abbé Pierre, ’d’autres critères que le confort de base s’imposent désormais pour distinguer les logements confortables des autres. On pense par exemple à des éléments apparemment moins graves, mais bien plus répandus, comme l’inconfort thermique, les infiltrations d’eau, le bruit ou l’humidité, qui ont des conséquences avérées sur la qualité de vie et la santé’. On manque d’un indicateur équivalent à celui du taux de pauvreté, qui pourrait être, par exemple, la part de la population vivant dans un logement dont la surface est inférieure à la moitié de la surface médiane [6]. Un outil réducteur sans doute (il ne dit rien du confort et de l’autonomie dans le logement) mais qui permettrait de mieux comprendre la situation.

Surface moyenne selon le niveau de vie
Unité : mètres carrés
1988
2006
Variation
20% les plus pauvres
Surface moyenne71,969,1-2,8
Surface moyenne par personne26,130,84,7
20% les plus riches
Surface moyenne102,5114,712,2
Surface moyenne par personne42,452,810,4

Source : Insee, enquêtes Logement - © Observatoire des inégalités

Article extrait du Centre d’Observation de la société.

Photo / © Karl-Heinz Strüdel - Fotolia.com


[2L’hébergement des sans domicile en 2012’, Insee Première n°1455, Insee, juillet 2013.

[3Voir le 21e rapport sur l’état du mal-logement en France 2016, Fondation Abbé Pierre, 2016.

[4Charges de logement supérieures à 35 % des revenus.

[5Le seuil de pauvreté est calculé en fonction du niveau de vie médian de l’année.

[6Autant dispose d’une surface supérieure que d’une surface inférieure.

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Date de première rédaction le 19 août 2016.
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