Point de vue

Immigration : la pression sur les familles

Faute de pouvoir mettre en place des « quotas », le gouvernement s’apprète à s’attaquer au droit des immigrés à vivre en famille. Le point de vue de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, extrait du magazine Alternatives Economiques.

Publié le 4 janvier 2006

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Origines

Dominique de Villepin avait précisé ses intentions en matière de politique migratoire à l’occasion de sa déclaration de politique générale le 8 juin dernier, puis lors de l’installation, deux jours plus tard, du Comité interministériel de contrôle de l’immigration. A l’intérieur, la France va encore durcir sa politique, comme cela avait été annoncé lors de la présentation, à la mi-mai, du « plan d’action contre l’immigration irrégulière ». Les expulsions devraient être multipliées par deux et les conditions de séjour des étrangers en France rendues encore plus difficiles (exigences supplémentaires en matière de logement, etc.). Concernant les flux d’immigration régulière, le Premier ministre ne souhaite pas fixer des quotas par nationalité. En revanche, la France choisira davantage les immigrés qu’elle souhaite accueillir en fonction de leurs qualifications [1].

Pour l’instant, ces flux liés à l’emploi sont très faibles : en 2003, seuls 6 500 salariés ont été accueillis, soit 5 % de l’ensemble des immigrés légaux. Le ministre de l’Intérieur a indiqué qu’il souhaitait porter ce niveau à 50 %. « Pour attirer en France des travailleurs qualifiés, des chercheurs, des professeurs d’université ou des créateurs d’entreprise, il faut créer un système de points à la canadienne », a précisé Nicolas Sarkozy [2].

Comme il n’est pas question d’ouvrir davantage les frontières, c’est le regroupement familial qui va en faire les frais. Il représentait les deux tiers des 136 000 entrées en 2003. Comme le confirme Nicolas Sarkozy : « Il ne s’agit pas d’arrêter le regroupement familial, mais de le maîtriser pour que celui-ci soit compatible avec la capacité d’accueil de la France » [3]. Pourtant, le droit de vivre en famille est reconnu par toutes les conventions internationales. Concrètement, il s’agit du droit donné à des enfants de venir rejoindre leurs parents ou à des conjoints de vivre ensemble. « Aucune norme constitutionnelle ne prévoit que la France doit accepter dans n’importe quelle condition tous les immigrés qui ont une raison personnelle de vouloir s’installer dans notre pays », a répondu le ministre, sous-entendu « quelle que soit cette raison ». En matière d’asile politique, un décret du 30 mai dernier, en application de la loi Sarkozy de novembre 2003, rend encore plus difficile les demandes. Sans revenir officiellement sur les engagements pris au regard du droit international, un pays peut effectivement s’en « arranger » en pratique, via des procédures administratives ultra restrictives.

La France, qui accueille déjà deux fois moins d’étrangers chaque année que l’Allemagne ou l’Espagne et trois fois moins que l’Italie, va une nouvelle fois écorner son image de pays des droits de l’homme, chère au Premier ministre.

Ce texte est extrait du magazine Alternatives Economiques n°238, juillet 2005.


[2Voir « La France tentée par l’immigration choisie », Alternatives Economiques n° 234, mars 2005.

[3Dans un courrier adressé à Patrick Weil, un chercheur qui s’était opposé à l’idée des quotas.

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Date de première rédaction le 4 janvier 2006.
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