Point de vue

Santé en souffrance dans le monde

Les inégalités mondiales de santé sont insupportables. Pourtant les pays riches se préoccupent surtout de mieux soigner les plus riches de leur propre population. Le point de vue de Claudine Ducol. Extrait de Témoignage Chrétien, 26 avril 2006.

Publié le 7 mai 2006

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Modes de vie Santé

« Alors que la population mondiale augmente, le nombre de soignants reste stationnaire ou diminue là où l’on a le plus besoin d’eux ». Ce constat pessimiste a été rendu public par l’OMS lors de la Journée mondiale de la santé en avril dernier. L’organisation mondiale constate que dans au moins 57 pays, 36 d’entre eux se trouvant dans l’Afrique subsaharienne, des interventions vitales comme la vaccination des enfants, les soins aux femmes enceintes et aux accouchées, le traitement du sida, ou bien encore la lutte contre le paludisme ou la tuberculose ne peuvent pas être assurées. Dix millions de personnes, dont une grande majorité de femmes et d’enfants, meurent chaque année dans le monde de maladies infectieuses ou bien des complications de la grossesse et de l’accouchement.

Bien sûr il y a les ONG qui soulagent là où elles peuvent intervenir, il y a aussi de nombreux donateurs sensibles aux images promotionnelles ou médiatiques. Mais toute cette générosité, cet altruisme ne saurait suffire. Partout, dans ces pays en déshérence, le manque de structures sanitaires, l’absence de formation médicale mais aussi les conditions de vie précaires, les guerres, les épidémies aggravent la pénurie. Il y a aujourd’hui en Afrique 2,3 personnels de santé pour 1000 habitants contre 19 en Europe et 25 en Amérique du Nord.

Ces inégalités criantes ont d’autres effets pervers. Elles encouragent l’émigration du rare personnel disponible vers les contrées moins pauvres et les pays très riches qui aujourd’hui ne forment plus assez de médecins pour leur population vieillissante. Ces flux conduisent à des gâchis absurdes. Ainsi les médecins et les infirmières d’Afrique du Sud s’expatrient vers l’Australie, laquelle fournit du personnel de santé au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Quant à l’Afrique du Sud, elle fait appel à du personnel kényan ! Le projet de loi sur l’immigration « choisie » et non « subie » concocté par Nicolas Sarkozy, en débat au Parlement, s’inscrit en plein dans cette logique désastreuse.

L’OMS estime que dans ces 57 pays démunis, le budget de la santé devrait augmenter d’au moins dix dollars par personne et par an pour espérer, en vingt ans, former et mieux rémunérer les quatre millions de soignants qui seraient nécessaires. Comme ce sont des endroits du monde où l’on vit parfois avec moins d’un dollar par jour, on imagine facilement l’importance de l’aide internationale pour atteindre cet objectif.
Mais les pays riches ont parfois d’autres préoccupations. Celle en particulier d’accroître les inégalités non seulement sur la planète entière, mais au sein de leur propre population. Ainsi en France, l’ancien directeur de la caisse nationale d’assurance-maladie, Gilles Johannet, devenu aujourd’hui le responsable de la branche santé des AGF, a mis en chantier un nouveau « concept » baptisé « Excellence santé ». Pour 12 000 euros par an, 4 000 pour votre conjoint et 2 000 par enfant vous pourriez avoir accès dans les plus brefs délais aux deux cents spécialistes les plus prestigieux consentant à faire partie du réseau. Les AGF voulaient proposer ce contrat à mille cadres dirigeants d’entreprise. Un grand patron de médecine justifiait ainsi ce privilège exorbitant : « les gens seraient remis sur pied plus vite et pourraient ainsi relancer la machine économique » (sic !) Le Conseil de l’ordre des médecins s’est un peu ému de l’affaire en demandant « des précisions ». Devant l’émotion suscitée par ce projet, les AGF ont décidé de le suspendre et de se donner « un temps supplémentaire de réflexion ». Mais pour combien de temps ?

Claudine Ducol

Texte extrait de Témoignage Chrétien, 26 avril 2006.

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Date de première rédaction le 7 mai 2006.
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