Point de vue

Les femmes au foyer comptent-elles pour du beurre ?

Symbole du modèle social des années 50, les femmes au foyer sont peu étudiées, bien qu’elles restent toujours très nombreuses. Un texte de Louis Maurin adapté d’un article paru dans Alternatives Economiques n°264, décembre 2007.

Publié le 1er mars 2008

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Emploi Modes de vie Femmes et hommes

Qui connaît les femmes au foyer ? La littérature scientifique sur les femmes qui n’exercent pas d’emploi rémunéré, c’est un vrai désert. « Les femmes en âge de travailler passant l’essentiel de leur existence au foyer font figure de catégorie résiduelle. Cette prétendue marginalité explique, au moins pour partie, que leur expérience et la recherche de leurs motivations soient largement évacuées des analyses proposées par la littérature sociologique », écrit Dominique Maison, auteure d’une thèse sur le sujet [1].

On compte 13 millions de femmes « inactives » [2] de plus de 15 ans, mais parmi elles, il y a des étudiantes et des retraitées. L’Insee ne publie même pas directement le nombre de femmes au foyer d’âge actif, mais on peut tenter de l’approcher. Selon les données du recensement de 1999, on enregistrait 2,2 millions de femmes sans activité professionnelle parmi les ménages comprenant au moins un couple (hors retraités et autres inactifs). Plus récemment, en 2005, on comptait 2,9 millions de femmes inactives non étudiantes parmi les moins de 55 ans [3] .

Ces femmes au foyer détonnent dans une société centrée sur le travail. Elles constituent le symbole du modèle dépassé de la France des années 50 et 60, quand l’homme rapportait le fruit de son travail et la femme gérait la maison. « En ne se »réalisant« pas sur le marché du travail, les femmes au foyer prennent le risque d’une forte disqualification, tant personnelle que sociale », écrit Dominique Maison. Il leur est difficile, en société, de se définir une place.

Pourtant, ces « inactives » ne passent pas leur temps dans l’oisiveté ; elles ont aussi une vie active même si c’est hors de l’univers professionnel. L’utilisation du temps dégagé diffère selon les catégories sociales, mais aussi selon l’écart de ressources entre les conjoints (revenu, diplôme, etc.). Les femmes des catégories populaires ou celles qui ont le plus d’écart avec leur mari sont davantage tournées vers les activités domestiques. Les femmes les plus diplômées s’investissent davantage dans la vie sociale hors de la maison.

L’auteure de l’étude montre les bénéfices de ce qui constitue, pour certaines, un véritable choix de vie. Cela ne l’empêche pas d’en souligner les limites. Pour une partie des femmes, rester au foyer est une contrainte qui peut être liée aux politiques destinées à organiser leur retrait du monde du travail par le biais d’allocations. Compte tenu des faibles niveaux de salaires et des conditions de travail, on comprend que certaines - notamment les moins qualifiées - préfèrent toucher une allocation qui peut atteindre 530 euros mensuels plutôt que de travailler pour des rémunérations souvent inférieures au Smic.

Ce mode de vie comporte deux risques majeurs. Le premier est l’éloignement du monde du travail qui, au fil du temps, rend de plus en plus hypothétique un éventuel retour dans l’emploi. Le second, notamment pour les femmes les moins qualifiées, est la rupture du lien du couple. La dépendance envers celui qui travaille peut projeter rapidement dans la pauvreté, en l’absence d’autres soutiens. « Le délitement [des relations conjugales] constitue un des meilleurs stimulants à la reprise d’activité », note Dominique Maison.

Photo / © stefanolunardi - Fotolia.com


[1« Femmes au foyer. Expériences sociales », par Dominique Maison, Dossier d’étude n° 92, mai 2007, Cnaf. Disponible sur www.cnaf.fr

[2Par opposition aux actives, celles qui ont un emploi ou sont au chômage.

[3Donnée qui intègre peu de retraitées mais inclut des personnes inactives car handicapées ou malades.

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Date de première rédaction le 1er mars 2008.
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