Analyse

Le revenu de la « vaste majorité »

Les chercheurs Anwar Shaikh et Amr Ragab ont mis au point un nouvel instrument de mesure du bien-être, le revenu de la « vaste majorité ». Il permet, selon eux, de mesurer le bien-être à l’échelle internationale avec plus de précision que le Produit Intérieur Brut. Une analyse de Cédric Rio de l’Observatoire des inégalités.

Publié le 14 août 2008

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Revenus

Les chercheurs Anwar Shaikh et Amr Ragab ont mis au point un nouvel instrument de mesure du bien-être, the Vast Majority Income (VMI, « revenu de la vaste majorité »), dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) [1] . Cet instrument permet selon eux de mesurer le bien-être à l’échelle internationale avec plus de précision que les mesures proposées à travers le taux de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) des pays, ou encore le revenu par habitant. Il ouvrirait ainsi la possibilité d’une visibilité plus importante des inégalités de revenu à l’échelle internationale.

Ce nouveau mode de calcul présente l’avantage de réunir au sein d’un même critère les indices de revenus et d’inégalités. Jusqu’à présent, ces deux indices sont calculés séparément, par l’intermédiaire respectivement du taux de croissance et du coefficient de Gini [2]. Or, les chercheurs partent du constat selon lequel la mesure de la pauvreté proposée actuellement ne permet pas de comparer avec suffisamment de précision les inégalités de revenus à l’échelle internationale, dans la mesure où ces calculs sont effectués sur la base de moyennes. Une moyenne a un impact négatif sur la représentativité de la situation d’une grande partie de la population concernée. En effet, la prise en compte des revenus appartenant aux individus les plus riches d’un pays fausse la moyenne nationale des revenus par habitant, dans la mesure où les extrêmes déplacent les données concernant la majeure partie de la population de ce même pays.

Ainsi, le calcul du VMI consiste à écarter des mesures les revenus par habitant qui ne sont pas caractéristiques du pays concerné, en ne prenant en compte que les premiers 80% de la population de chaque pays pour déterminer un revenu par habitant plus représentatif que le revenu moyen calculé habituellement par rapport à l’ensemble des revenus constatés. Pour obtenir le VMIR (Vast Majority Income Ratio), ce revenu est ensuite rapporté au revenu moyen calculé d’après l’ensemble de l’échantillon. Ce nouvel indice est compris entre 0 et 1, 0 lorsque l’on observe une inégalité parfaite, et 1 lors d’une parfaite égalité.

Ainsi, les Pays-Bas et le Danemark sont en tête de la hiérarchie mondiale proposée par les chercheurs avec un VMIR respectivement de 0,83 et 0,82 (données 2000), tandis que le Chili et le Guatemala ferment la marche de l’échantillon avec 0,46 et 0,45 (toutes ces données sont à retrouver dans l’article de Anwar Shaikh and Amr Ragab, in An International Comparison of the Incomes of the Vast Majority, avril 2007.). La France possède un VMIR de 0,78. Le revenu représentatif par an et par habitant en France passe ainsi de 22 248$ à 17 242$. Tandis que le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont un VMIR respectif de 0,74 et 0,68. Au Royaume-Uni, le revenu représentatif passe de 22 454$ à 16 645$, et aux Etats-Unis, le revenu passe de 31 283$ à 21 309$. En terme d’inégalités, les Etats-Unis se classent au niveau des pays en développement, au même niveau que la Chine ou le Vietnam. En Inde, de 2 371$, le calcul du VMI permet d’obtenir un revenu représentatif par an et par habitant de 1 651$, avec un VMIR de 0,7.

Ce nouveau calcul ne transforme pas de façon radicale le rang des différents pays au sein du classement mondial. Mais à travers cet effort, les chercheurs ont la possibilité d’approcher avec plus d’exactitude les modes de vie et revenus réels des populations au sein de chaque Etat, et ainsi de proposer une échelle de mesure valable au niveau international. Il permet de ce fait de mieux déterminer les inégalités de revenus internationales, notamment en comparant ce nouveau moyen statistique aux modes de calcul en vigueur qui intègrent les valeurs extrêmes. Cela permet en effet de visualiser le biais provoqué par les inégalités de revenu au sein d’un même pays en terme de représentativité.

Photo / © Kati Molin - Fotolia.com


[1voir Policy research brief n°7, The Vast Majority Income (VMI) : A New Measure of Global Inequality, mai 2008.

[2Indicateur d’inégalité qui mesure l’écart entre l’état d’une répartition à un moment donné et une situation d’égalité parfaite

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Date de première rédaction le 14 août 2008.
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