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Les discriminations dans l’accès au logement persistent en France

Les personnes perçues comme d’origine étrangère ou de couleur ont moins de chance d’être reçues lorsqu’elles demandent à visiter un logement à louer. Elles doivent chercher plus longtemps.

Publié le 23 novembre 2021

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Modes de vie Origines Logement

Le fait d’avoir un nom de famille d’origine maghrébine ou d’Afrique de l’Ouest réduit fortement la probabilité d’obtenir une visite pour louer un appartement. Selon une opération de testing réalisée en 2016 sur 5 000 annonces immobilières dans 50 grandes agglomérations par une équipe du CNRS [1], le candidat au nom à consonance française, Sébastien Petit, a reçu 13,9 % de réponses positives pour visiter une offre de location. Avec une candidature tout à fait semblable (en termes d’emploi, d’âge et de nationalité), Mohamed Chettouh, d’origine maghrébine, n’a reçu que 10,1 % de réponses positives, et Désiré Sambou, d’Afrique subsaharienne, 9,4 % seulement. Sébastien a donc 1,5 fois plus de chances que Désiré de visiter le logement.

Ces discriminations sont atténuées lorsque le candidat d’origine étrangère est fonctionnaire, gage de stabilité financière. Mais le taux de réponses positives d’un candidat fonctionnaire au nom maghrébin reste néanmoins inférieur au candidat d’origine française qui ne ferait pas mention de sa situation professionnelle. À l’inverse, un fonctionnaire avec un nom français obtient un taux de réponses favorables record de 43 %. Autre enseignement de ce test : l’âge du candidat et son adresse ne sont pas discriminants.

Taux de réponse positive pour visiter un logement à louer
Unité : %
Taux de réponse positive
Candidat de référence « Sébastien Petit »13,9
Candidat français d'origine maghrébine « Mohamed Chettouh »10,1
Candidat français originaire d'Afrique subsaharienne « Désiré Sambou »9,4
Enquête réalisée en 2016, 25 000 candidatures envoyées en réponse à 5 000 annonces de location.
Lecture : sur les 5 000 annonces de location testées, le candidat fictif « Sébastien Petit » a obtenu 13,9 % de réponses positives. C’est 1,5 fois plus que « Désiré Sambou », candidat similaire (emploi, âge, nationalité) en dehors du nom de famille, qui n’a reçu que 9,4 % de réponses positives.
Source : CNRS – Données 2016 – © Observatoire des inégalités

Une autre façon d’objectiver les discriminations qui existent dans ce domaine consiste à interroger les personnes sur le délai pour obtenir un logement, comme le fait une étude du Défenseur des droits [2]. Le délai moyen diffère selon la couleur de peau des personnes interrogées. Alors que près de quatre personnes sur cinq décrochent un logement en moins d’un an parmi les personnes qui se disent perçues comme blanches, seules deux personnes perçues comme noires sur cinq y parviennent.

Délai pour obtenir un logement selon l'origine
Unité : %
Taux de personne ayant trouvé un logement en moins d'un an
Personne perçue comme blanche79,3
Personne perçue comme arabe45,8
Personne perçue comme noire39,8
Lecture : 79,3 % des personnes qui se disent perçues comme blanches et cherchant un logement dans les cinq dernières années, déclarent avoir trouvé un logement en moins d’un an, contre 39,8 % des personnes qui se disent perçues comme noires.
Source : Défenseur des Droits – Données 2016 – © Observatoire des inégalités

Le refus de location peut être le produit de plusieurs facteurs. Certains propriétaires, rares, sont ouvertement racistes et « trient » les postulants en fonction de leur couleur de peau. Un autre élément joue : en moyenne, les personnes d’origine immigrée ont moins de relations capables de les aider dans leur recherche de logement, disposent de revenus plus faibles et d’emplois plus précaires, le risque d’impayé est plus grand. Les candidats à la location perçus comme d’origine immigrée subissent cette situation, même si leurs revenus sont de niveau identique, ce qui ajoute des discriminations aux effets des inégalités sociales. Rappelons que, quelles que soient leurs raisons, ces pratiques discriminatoires sont illégales.

Le logement est un élément majeur des conditions de vie et de la position sociale. Les conséquences de ces discriminations sont doubles. Concrètement, elles interdisent l’accès à une partie des logements aux personnes d’origine immigrée et les pénalisent dans l’accès à l’emploi. Ensuite, elles alimentent pour ces populations un sentiment de rejet, d’exclusion de la société française, avec le risque qu’une spirale du repli sur soi se mette en place.

Voir aussi notre article « Les immigrés sont moins bien logés »

Photo / © Fizkes


[1« Les discriminations dans l’accès au logement en France : un testing de couverture nationale », Julie Le Gallo, Yannick L’Horty, Loïc du Parquet, Pascale Petit, TEPP (Travail, Emploi et Politiques Publiques) - CNRS, décembre 2017.

[2Voir « Enquête sur l’accès aux droits. Volume 5. Les discriminations dans l’accès au logement », Défenseur des droits, décembre 2017. Enquête effectuée en 2016 par le Défenseur des droits auprès d’un échantillon représentatif de plus de 5 000 personnes.

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Date de première rédaction le 3 septembre 2009.
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