Données

Horaires de travail : la France flexible des peu qualifiés

13 % des salariés travaillent habituellement le dimanche, 6 % la nuit et 5 % en horaires décalés. Les horaires atypiques concernent surtout les moins qualifiés, qui sont massivement contraints de vivre à contretemps de la société.

Publié le 27 mars 2024

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Emploi Catégories sociales Conditions de travail

Près de 13 % des salariés déclarent travailler habituellement le dimanche, en décalage avec le rythme de la majorité de la population, selon les données 2019 du ministère du Travail [1]. Ce taux atteint 22 % chez les employés, et même 29 % chez les employés de la fonction publique qui doivent assurer le maintien de certains services le week-end. Il est aussi à peu près du même niveau chez les employés des services directs aux particuliers (aide à domicile, femme de ménage notamment). Souvent, ce sont aussi des métiers au contact du public et qui concernent davantage les hommes de cette catégorie socioprofessionnelle : 26 % des hommes employés indiquent travailler le dimanche contre 20 % des employées. En comparaison, un ouvrier sur dix déclare être dans ce cas et seulement à peine 5 % des cadres supérieurs.

La fréquence du travail dominical est stable depuis 2005, cité alors par 12 % des salariés. Néanmoins, le travail habituel le dimanche a augmenté nettement sur la période chez les employés (de 17 % en 2005 à 22 % en 2019) et dans une moindre mesure chez les ouvriers (de 8 % à 11 %).

Salariés qui travaillent habituellement le dimanche
selon la catégorie socioprofessionnelle
Unité : %
2005
2013
2016
2019
Cadres supérieurs6,05,75,74,9
Professions intermédiaires11,710,510,410,6
Employés17,521,420,021,6
Ouvriers8,310,510,510,9
Ensemble11,913,012,612,9
Lecture : 21,6 % des employés déclarent travailler de manière habituelle le dimanche en 2019.
Source : enquêtes Conditions de travail, ministère du Travail - © Observatoire des inégalités

Le travail de nuit, plus fréquent pour les ouvriers

6 % des salariés déclarent travailler habituellement la nuit, c’est-à-dire entre minuit et cinq heures du matin, une proportion qui a baissé d’1,3 point depuis 2005, et pour toutes les catégories socioprofessionnelles. Les employés et les professions intermédiaires indiquent être à leur poste la nuit à peu près dans les mêmes proportions que la moyenne des salariés (respectivement 6 % et 5 %). Les ouvriers sont deux fois plus souvent concernés (12 %). Plus particulièrement les ouvriers qualifiés dont 14 % indiquent travailler habituellement la nuit (une proportion stable depuis 2005), contre 1 % des cadres.

Des écarts importants apparaissent néanmoins au sein des employés. 10 % de ceux qui appartiennent à la fonction publique (par exemple les policiers ou les agents chargés de surveiller des bâtiments publics) indiquent être concernés par le travail de nuit alors que seulement 1 % des employés administratifs d’entreprise le sont. Parmi les professions intermédiaires, ce sont les contremaitres et les agents de maitrise qui travaillent habituellement la nuit (10 %), soit deux fois plus que la moyenne de leur catégorie socioprofessionnelle (5 %).

D’autre part, les hommes déclarent travailler la nuit deux fois plus souvent que les femmes (respectivement 8 % et 4 %). Parmi eux, plus d’un employé et d’un ouvrier sur dix sont concernés. Mais le travail de nuit habituel est aussi le lot de 10 % des ouvrières, alors que presque aucune femme cadre n’indique être dans ce cas.

Salariés qui travaillent habituellement la nuit
selon la catégorie socioprofessionnelle
Unité : %
2005
2013
2016
2019
Cadres supérieurs1,91,71,31,3
Professions intermédiaires6,25,54,94,6
Employés6,97,06,15,6
Ouvriers12,111,012,612,2
Ensemble7,36,58,66,0
Travail entre minuit et cinq heures du matin.
Lecture : 12,2 % des ouvriers déclarent travailler la nuit de manière habituelle en 2019.
Source : enquêtes Conditions de travail, ministère du Travail - © Observatoire des inégalités

Un ouvrier sur dix travaille en 2 x 8

5 % des salariés ont des horaires qui alternent sur deux équipes, c’est-à-dire qu’ils travaillent soit le matin (souvent de 5 h à 13 h), soit l’après-midi (de 13 h à 21 h), avec un changement de ces tranches horaires toutes les semaines. Ce rythme de travail est aussi appelé « travail posté » ou en « 2 x 8 ». Quasiment aucun cadre ne déclare être soumis à ce rythme de travail irrégulier, alors que plus d’un ouvrier sur dix, et même 14 % des ouvriers non qualifiés, indiquent subir cette cadence de travail. Celle-ci, à la longue, peut avoir des conséquences sur leur santé, mais aussi sur leur vie personnelle. La proportion a néanmoins baissé de huit points depuis 2005 quand 19 % des ouvriers étaient dans ce cas, mais concerne aujourd’hui davantage les ouvrières que leurs homologues masculins (respectivement 15 % et 10 %), en particulier des ouvrières non qualifiées (21 % contre 11 % des hommes de cette catégorie). En revanche, au sein des professions intermédiaires, deux fois plus d’hommes (5 %) que de femmes (3 %) indiquent travailler en 2 x 8.

Salariés dont les horaires alternent sur deux équipes
selon la catégorie socioprofessionnelle
Unité : %
2005
2013
2016
2019
Cadres supérieurs0,20,70,10,2
Professions intermédiaires3,93,65,14,1
Employés3,94,73,75,2
Ouvriers1913,813,711,3
Ensemble4,94,74,55,3
Lecture : 11,3 % des ouvriers déclarent avoir des horaires qui alternent sur deux équipes en 2019.
Source : enquêtes Conditions de travail, ministère du Travail - © Observatoire des inégalités

Horaires de travail flexibles, choisis ou subis ?

Le contrôle du temps du travail constitue l’un des éléments de la condition des salariés les plus précaires. Le fait de ne pas maitriser son emploi du temps, de devoir travailler à contretemps par rapport au reste de la société (le dimanche ou la nuit notamment) ou d’avoir des rythmes qui fluctuent d’une semaine à l’autre constitue une forme de flexibilité souvent exigée des moins qualifiés.

Malheureusement, les données du ministère du Travail ne permettent pas de séparer les formes plus ou moins choisies du travail flexible de celles qui ne sont que le produit d’une contrainte. Quoi de commun en effet entre un enseignant qui corrige des copies un soir de semaine et une vendeuse contrainte de travailler tout un week-end, en total décalage avec ses proches ? Entre un étudiant qui arrondit ses fins de moins le samedi et un père de famille absent tous les dimanches ? En partie acceptable pour les plus jeunes (notamment les célibataires) quand elle s’accompagne de contreparties financières réelles, cette flexibilité l’est beaucoup moins quand elle s’étend à des âges plus élevés, notamment aux salariés qui ont en charge des enfants.

Il est vrai qu’une partie des cadres est aussi soumise à des horaires de plus en plus flexibles et à une pression accrue, en raison notamment de l’utilisation très développée aujourd’hui des nouvelles technologies de l’information. Il n’en demeure pas moins que la désynchronisation des temps entre le travail, la vie sociale et les loisirs frappent pour l’essentiel les milieux populaires, qui voient leur vie au travail peser sur leur vie privée, mais aussi sur leur santé.

Photo / © manipulateur - Fotolia


[1« 35 ans d’évolutions des conditions de travail », ministère du Travail, novembre 2023.

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Date de première rédaction le 25 novembre 2014.
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