Les poupées pour les filles et les petites voitures pour les garçons ? Cette répartition caricaturale des jouets selon le sexe de l’enfant a la vie dure. 81 % des petites filles de deux ans jouent souvent à la poupée, contre seulement 19 % des petits garçons du même âge, indique une enquête de l’Ined réalisée en 2013 et 2014 auprès des parents de 13 000 enfants nés en 2011 [1]. Tandis que 89 % des garçons jouent aux petites voitures, contre seulement 32 % des filles.

À l’âge des premiers jouets, les activités pratiquées autant par les enfants des deux sexes sont rares. 84 % des filles et 86 % des garçons jouent à des jeux de bain ou d’eau. 35 % des filles et 30 % des garçons font des puzzles. En ce qui concerne les jeux à empiler, l’écart est significatif : 61 % des petits garçons y jouent, c’est sept points de plus que les filles. Et les chiffres sont édifiants pour les autres activités enfantines : les filles jouent quatre fois plus à la poupée et sont aussi nettement plus nombreuses à dessiner ou à jouer avec des peluches. 76 % des garçons jouent à la balle contre 57 % des filles.

Ces tendances sont présentes dans tous les milieux sociaux. Les jeux des petites filles et des petits garçons sont différenciés de la même manière dans les classes supérieures et dans les classes moyennes ou populaires.

Faire ce constat auprès d’enfants aussi jeunes démontre à quel point les goûts se forment dès la toute petite enfance. Les enfants sont éduqués par leurs parents, plus ou moins consciemment, de manière à tenir des rôles différenciés selon leur sexe. Les jeunes enfants tendent aussi à reproduire et à imiter les activités des adultes qui les entourent. Cette division typique des jeux selon le genre reflète « l’opposition entre activités extérieures et publiques (généralement dévolues aux hommes) et activités intérieures et domestiques (généralement réservées aux femmes) », soulignent les auteurs de l’étude. On saisit ici l’origine de la répartition inégale des tâches domestiques et des métiers à l’âge adulte, ainsi que le mécanisme qui fait perdurer les stéréotypes, génération après génération. Et ce, malgré les importants progrès des dernières décennies réalisés en matière d’accès des femmes à la sphère professionnelle et publique.

Il existe une exception à la règle, signale l’étude. Les petits garçons qui ont une grande sœur jouent plus à la poupée, tandis que les petites filles qui ont un grand frère jouent davantage aux petites voitures. Les petits ont tendance à imiter les grands dans la fratrie. L’effet est encore plus notable dans les familles où l’ainé associe très souvent ses cadets à ses jeux. Les parents ont aussi un rôle. Lorsque les pères jouent avec leurs enfants, ils ont tendance à leur apprendre des « jeux de garçons ». Les mères, en revanche, seraient plus attentives au choix de jeux diversifiés. Ces nuances apportent quelques pistes pour lutter contre les stéréotypes de genre dès la maternelle : l’école devrait encourager les tout-petits à jouer avec des enfants plus grands et de l’autre sexe, ou proposer aux enfants des jeux considérés comme atypiques pour leur sexe. Un enjeu majeur d’égalité pour ces futurs adultes.

Photo / © Ana Klipper - Unsplash

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