Actualité de l’Observatoire

« Monopoly des inégalités » : comment les jeunes réagissent face aux inégalités ?

L’équipe de l’Observatoire des inégalités a animé des ateliers « Monopoly des inégalités » auprès de plus de 3 000 jeunes en 2023. Leurs paroles témoignent de la pertinence de cet outil pour introduire un débat sur les inégalités et les discriminations.

Publié le 17 janvier 2024

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« Mais c’est de la triche…  », « J’ai le seum, j’suis choqué ! », « C’est injuste, ce jeu ! ». Peu importe le lieu, le cadre ou encore l’âge des participants, lorsque l’équipe de l’Observatoire des inégalités explique les règles de son jeu du « Monopoly des inégalités » lors d’un atelier, les réactions sont les mêmes. Un sentiment d’injustice s’installe et un vent de révolte souffle dans la salle. Tel est justement le but recherché lors de nos interventions auprès des jeunes : faire prendre conscience des règles injustes de notre société et donner envie de lutter pour plus de justice sociale.

« C’était génial ! Vous revenez quand ? »

Depuis trois ans, notre équipe parcourt la France pour animer des séances de sensibilisation aux inégalités. Lorsqu’on arrive dans la salle avec nos boites de jeu, les jeunes réagissent tout de suite : « On va jouer au Monopoly© ? ». Le jeu permet de faire passer des messages différemment que pendant un cours magistral. Et les jeunes reçoivent le nôtre très bien : « La séance nous a permis de comprendre que tout le monde ne vit pas la même vie et que certains peuvent être discriminés en raison de leur couleur de peau, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur handicap, etc. » ; « Moi, ça m’a énervé, ces règles injustes, et je me rends compte que j’y avais jamais réfléchi avant » ; « C’était une séance où on a rigolé et, en même temps, on a appris plein de choses ! ».

« C’était cool, mais j’étais une femme et j’ai pas aimé faire le ménage »

Au début de la partie, chaque joueur reçoit une carte « personnage ». Et quand il comprend que les règles vont l’avantager ou au contraire le désavantager en fonction de ses caractéristiques, les réactions sont immédiates : « Quoi ? Mais pourquoi ? Ça s’fait pas. ». À chaque règle, une explication et un chiffre sont apportés. Par exemple, les personnages en situation de handicap ne peuvent pas utiliser les gares du plateau ? C’est presque la même chose dans la vraie vie : seulement deux gares sur six sont accessibles aux personnes à mobilité réduite. Les femmes touchent moins d’argent que les hommes en passant par la case « Départ » ? En moyenne, tous temps de travail confondus, les femmes touchent un salaire inférieur de 25 % à celui des hommes. Les jeunes hommes noirs et arabes doivent s’arrêter sur la case « Allez en prison » pour un contrôle d’identité ? Dans la réalité, ils ont 19 fois plus de risques de se faire contrôler, selon le Défenseur des Droits.

Et le fait d’entrer dans la peau d’un personnage différent de leur réalité suscite leur empathie : « Se mettre à la place des autres, c’est déjà une solution pour comprendre que tout n’est pas une question de mérite » ; « Je me rends compte de certains privilèges que j’ai et dont j’avais pas conscience » ; « C’est hyper frustrant et injuste de ne pas pouvoir avancer aussi vite que tout le monde ou de ne pas pouvoir prendre les transports  ». Peu importent l’injustice de ces règles et le personnage que les jeunes vont incarner, ils se prennent tout de même tous et toutes au jeu et ont envie de remporter la partie.

Après le temps de jeu, vient celui de la discussion. Celles et ceux qui remportent la partie sont très souvent les personnages qui étaient avantagés au début du jeu. Pourquoi ? « Ils commencent avec plus d’argent, ils peuvent faire autant de doubles qu’ils veulent, ils sont déjà propriétaires de maisons, ce sont les seuls à pouvoir acheter les terrains les plus chers, les cartes « évènement » les avantagent souvent, etc. ». Ces personnes bénéficient aussi de certaines règles inégales durant la partie. Les joueurs le comprennent bien : « J’ai l’impression que, si les règles favorisent pendant la partie ceux qui sont déjà privilégiés au début, alors les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent, et c’est pas juste ».

Et quand on demande aux joueurs les règles qui les ont le plus choqués, ils citent le plus souvent celles qui concernent le manque d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, l’homophobie et notamment l’outing, les inégalités de richesses, le contrôle au faciès ou encore les inégalités entre les femmes et les hommes.

La richesse des débats reflète la multitude de sujets abordés par le jeu et l’intérêt des jeunes générations pour la question des inégalités et des injustices. Ils sont choqués, énervés, outrés, mais pas défaitistes pour autant : 90 % de ceux qui ont participé à l’atelier pensent qu’il est possible de lutter contre les inégalités (selon l’évaluation réalisée en fin de séance).

Après la sensibilisation, trouvons des solutions

Une séance autour du « Monopoly des inégalités » invite aussi à repérer les solutions qui existent déjà pour lutter contre les inégalités et à réfléchir à celles que les joueurs pourraient imaginer. L’une des règles reflète la redistribution des richesses par la collectivité. Elle suscite des réactions assez différentes selon le personnage que le joueur a incarné. Avec parfois des critiques, en reprenant certaines idées selon lesquelles les plus pauvres seraient des « assistés » ou que les plus riches seraient trop imposés. Mais, au bout du compte, la très grande majorité des joueurs sont d’accord pour dire que la solidarité nationale et l’accès gratuit aux services de soins et d’éducation sont les clés de voute de la lutte contre les inégalités sociales dans notre société et qu’il faut les défendre.

Une des solutions qu’ils imaginent le plus souvent ? : « Madame, il faut aller faire jouer les adultes maintenant, nous on est beaucoup plus ouverts qu’eux !  ». Justement, nous allons les prendre au mot en développant des ateliers autour du « Monopoly des inégalités » pour les adultes, dans les entreprises, les services publics ou les associations notamment.

170 ateliers animés par notre équipe en 2023
En 2023, nos trois animatrices, salariées de l’Observatoire des inégalités, ont animé plus de 170 ateliers dans 70 structures dans toute la France, et ont ainsi sensibilisé plus de 3 000 jeunes de 11 à 25 ans à la question des inégalités et des discriminations. Au moins 400 professionnels de l’animation et de l’éducation ont également été formés au « Monopoly des inégalités » par notre équipe.

En parallèle, environ 50 000 personnes ont été sensibilisées grâce à la diffusion de la boite à outils pédagogiques sur les inégalités qui permet d’animer un atelier en autonomie.

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Photo / © Athithiya Anantharajah - Observatoire des inégalités

Date de première rédaction le 17 janvier 2024.
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