Analyse

Crise sanitaire et inégalités : un premier bilan

En quoi la crise sanitaire et économique déclenchée par la pandémie de Covid-19 est-elle inégalitaire ? Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, livre un premier bilan des effets de la crise en cours. Un dossier complet.

Publié le 2 juin 2021

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La France est touchée par la crise la plus grave qu’elle ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale. En 2020, son activité économique a reculé de plus de 8 %. Comme toutes les crises, celle-ci frappe d’abord les moins protégés, ceux qui ont dû se confiner dans les logements les plus exigus, les enfants qui n’ont pas d’ordinateur à la maison, ni de parents diplômés pour les aider. Une partie de la population précaire, déjà fragile et inquiète, l’est encore plus aujourd’hui. Le chômage frappe d’abord les salariés en contrat court, surtout les moins qualifiés. Malgré les compensations mises en place par l’État, une partie des indépendants a aussi été fortement touchée.

Les conséquences sanitaires sont, de loin, les plus lourdes. Le virus a tué plus de 100 000 personnes. Certaines professions parmi les plus mal rémunérées, comme les aides-soignantes, les livreurs ou les caissières, sont les plus exposées à l’épidémie. Les personnes les plus en danger sont également celles qui souffrent de maladies chroniques, en partie liées aux inégalités sociales.

Pour autant, il faut éviter deux travers. Le premier est celui du misérabilisme. En rajouter pour frapper l’opinion n’aide pas à comprendre la société, ni à convaincre ceux qui minimisent les difficultés. Parmi les salariés exposés, beaucoup bénéficient d’un emploi stable, notamment dans le secteur public. Une partie des jeunes confinés dans de petits logements des grandes villes ne sont pas forcément pauvres. Une partie des classes moyennes (comme les infirmières) ou des catégories supérieures (comme les médecins) sont elles aussi confrontées à d’énormes risques sanitaires.

Le deuxième écueil consiste à tout mélanger. Les inégalités sont mises au grand jour et on fait comme si tout se valait : se confiner dans un studio, télétravailler, perdre son emploi, et mourir. Refuser de hiérarchiser les répercussions de la pandémie dilue les conséquences les plus graves dans un vaste ensemble. D’abord, le virus tue. La première des inégalités face à cette mortalité est celle de l’âge, pas celle du niveau de vie. Les personnes âgées sont les premières victimes de la maladie, indépendamment de leurs revenus, même si les plus favorisées sont mieux protégées du point de vue sanitaire.

Ce virus révèle cependant des inégalités sociales déjà massives avant cette période. Notre partenaire, la Fondation Abbé Pierre, alerte par exemple depuis plusieurs décennies sur le mal-logement sans que des mesures à la hauteur soient prises. Les données de santé montrent de longue date que les classes sociales sont inégales face à l’espérance de vie. Virus ou pas, le travail des caissières et des aides-soignantes est particulièrement difficile, et leurs salaires demeurent indécents. Sauf dans le domaine de la santé, l’immense majorité des travailleurs peu qualifiés qui auront été en première ligne face au virus n’en auront tiré aucune reconnaissance. Le « monde d’après » n’aura été qu’un vague slogan pour eux. Depuis 18 ans, l’Observatoire des inégalités met en lumière les inégalités sociales. La plupart des médias les redécouvrent régulièrement – comme pendant le mouvement des « gilets jaunes » – pour tout aussi vite les oublier. C’est justement cela qu’il faut éviter.

Louis Maurin

Extrait du Rapport sur les inégalités en France, édition 2021, sous la direction d’Anne Brunner et Louis Maurin, éd. Observatoire des inégalités, juin 2021.

Lire notre dossier sur les effets de la crise sanitaire sur les inégalités :


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Rapport sur les inégalités en France, édition 2021, sous la direction d’Anne Brunner et Louis Maurin, Observatoire des inégalités, juin 2021.
176 pages.
ISBN 978-2-9553059-9-7
10 € hors frais d’envoi.
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Date de première rédaction le 2 juin 2021.
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