Faut-il taxer les vieux ?

Dans la situation budgétaire très difficile où se trouve la France, on cherche légitimement des sources de financement additionnelles pour redresser des comptes publics profondément détériorés pendant les sept années de présidence d’Emmanuel Macron. Comme souvent dans ce type de débats, revient sur le devant de la scène une solution « simple » : il n’y a qu’à taxer les vieux [1]. Ce discours s’appuie notamment sur l’idée que dans notre société, les plus âgés vivraient nettement mieux que les jeunes.

Le problème, c’est que cette idée, qui a eu une réalité il y a dix ou quinze ans, n’en a plus guère aujourd’hui. Depuis la fin des années 2010, la situation financière des jeunes générations s’est améliorée du fait de la baisse du chômage dont elles ont été les principales bénéficiaires. De plus, le recul de la natalité, à revenu égal, a accru leur niveau de vie, les jeunes adultes ayant en moyenne moins d’enfants à charge qu’auparavant.

Pendant ce temps, la situation des plus âgés s’est dégradée. Les gouvernements successifs ont augmenté les prélèvements sociaux sur les retraites [2], tandis que les réformes intervenues depuis plusieurs décennies ont réduit le niveau de ces retraites pour les nouveaux pensionnés. De plus, les nouveaux retraités d’aujourd’hui ont passé l’essentiel de leur carrière après la fin des Trente Glorieuses, dans un monde professionnel marqué par le chômage de masse et le développement de l’emploi précaire, que nombre d’entre eux ont subi. Ce qui contribue également à limiter le montant de leur retraite. De ce fait, selon le ministère des Solidarités [3], le niveau moyen des pensions, une fois corrigé l’effet de l’inflation, baisse depuis 2017 parce que la forte baisse des retraites des hommes n’est plus compensée par la hausse de celles des femmes, qui stagnent désormais.

Moyennant quoi, même si on tient compte de leurs charges de famille, le niveau de vie des 30-39 ans est devenu supérieur selon l’Insee à celui des 65-74 ans, alors qu’en 2014, celui des seniors le dépassait de 6 %. Et en moyenne, les 18-29 ans gagnent désormais mieux leur vie que les plus de 75 ans.

Parallèlement, l’Insee enregistre au cours des dernières années une forte baisse du taux de pauvreté chez les jeunes générations en même temps qu’une forte hausse chez les seniors. L’écart de taux de pauvreté entre les 18-29 ans et les 65-74 ans, qui était de quatorze points de pourcentage en 2014, n’est plus que de six points aujourd’hui, en nette diminution.

Les discours fondés sur de fortes inégalités de revenus et de taux de pauvreté entre générations n’ont donc plus vraiment lieu d’être, à moins qu’on veuille de nouveau pousser les plus âgés dans la misère, comme c’était le cas dans les années 1950.

Les discours fondés sur de fortes inégalités de revenus entre générations n’ont donc plus vraiment lieu d’être

Cela ne signifie (absolument) pas, bien sûr, que les inégalités de revenus se soient réduites au sein de l’ensemble des contribuables. Au contraire, elles se sont creusées ces dernières années, du fait notamment de la politique fiscale injuste menée par le président de la République Emmanuel Macron. Et si on veut rétablir les comptes publics, ce sont bien les plus aisés qu’il faut taxer davantage, à la fois sur leurs revenus et sur leur patrimoine. Mais il faut le faire quel que soit leur âge, et non en cherchant à cibler particulièrement les seniors....

Par Guillaume Duval, auteur de L’impasse, comment Macron nous mène dans le mur, éd. Les liens qui libèrent, 2021.

Photo / CC Mark Timberlake

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