Analyse

Les Français se disent de moins en moins racistes

Alors que les discours de rejet des étrangers prennent toujours plus de place sur la scène médiatique, qu’en est-il des valeurs des Français ? Deviennent-ils de plus en plus racistes et xénophobes comme on peut souvent le lire ? Une analyse extraite du Centre d’observation de la société.

Publié le 1er décembre 2023

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Modes de vie Origines Valeurs

Dans les sondages, les Français se disent massivement convaincus de la nécessité de combattre le racisme avec la plus grande énergie. À la question « pensez-vous qu’une lutte vigoureuse contre le racisme est nécessaire en France ? », ils répondent « oui » à plus de 80 %, dont 56 % « oui tout à fait » et 26 % « oui plutôt ». Seuls 6,1 % répondent « non pas du tout », selon un sondage réalisé en 2022 pour le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) [1].

Lecture : 55,9 % de la population répond « oui, tout à fait » à la question « pensez-vous qu'une lutte vigoureuse contre le racisme est nécessaire en France ? ».

Source : CNCDH – Données 2022 – © Observatoire des inégalités

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Au-delà de ce constat, tout indique que l’antiracisme progresse. La part de personnes qui estiment qu’il existe des « races supérieures à d’autres » a été quasiment divisée par trois (de 14 % à 5 %) au cours des vingt dernières années. La proportion de celles qui pensent que « toutes les races se valent » a baissé entre la fin des années 2000 et le début des années 2010 et atteint 57 % en 2022. En contrepartie, le pourcentage de ceux qui pensent que les races n’existent pas a plus que doublé entre 2002 et 2022, de 16 % à 36 %.

Lecture : 36 % des personnes interrogées considèrent que les races humaines n'existent pas, selon l'enquête 2022 de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Source : CNCDH – © Observatoire des inégalités

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À la question « êtes-vous raciste vous-même ? », plus de 60 % de la population indique « pas du tout », proportion qui fluctue entre 40 % et 50 % depuis le début des années 2000 et qui a nettement augmenté entre 2013 et 2017. La part de ceux qui se disent « un peu » ou« plutôt » racistes fait le chemin inverse en 20 ans. En 2000, plus de 10 % de la population se déclarait « plutôt raciste ». En 2022, ils ne sont plus que 2 %.

Lecture : 62 % des personnes interrogées ne se considèrent pas du tout racistes, selon l'enquête 2022 de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Source : CNCDH – © Observatoire des inégalités

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Ces chiffres ont des limites. On peut s’affirmer antiraciste dans une enquête (notamment en face à face avec un enquêteur) et l’être en pratique, plus ou moins consciemment. Depuis 2017, la police et la gendarmerie enregistrent davantage d’actes à caractère raciste. La mesure du phénomène est difficile à établir car on ne sait pas dire si cette évolution est liée aux pratiques racistes ou au fait qu’on les combat davantage. Par ailleurs, les données d’opinion constituent des moyennes qui masquent des réponses différentes selon l’âge ou le milieu social, par exemple. Quoi qu’il en soit, il reste un élément fort du point de vue des valeurs : sur longue période, la tolérance gagne du terrain.

Pour aller plus loin et mesurer ce phénomène, le sociologue Vincent Tiberj a mis au point un indice global de tolérance qui fait la synthèse d’un ensemble de questions autour du racisme ou du rejet de l’autre [2], dont six ont été posées sur une durée de 20 ans. Hormis une baisse entre 2012 et 2014, l’indice oscille depuis 20 ans autour de 60 (sur une échelle de 0 à 100), alors qu’il fluctuait autour de 50 dans les années 1990.

Lecture : sur une échelle de 0 à 100, les Français ont un indice global de tolérance de 64 en 2022.

Source : Vincent Tiberj, Rapport CNDCH – © Observatoire des inégalités

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De nombreux facteurs influencent les enquêtes sur les valeurs. Comme l’a noté de longue date Vincent Tiberj [3], l’élévation du niveau de diplôme et le renouvellement générationnel poussent plutôt à l’ouverture. Le type de majorité politique joue aussi : on déclare davantage de tolérance quand la droite gouverne et plus d’intolérance quand c’est le tour de la gauche, comme si les sondés voulaient modérer d’éventuels excès de la majorité au pouvoir. La médiatisation de la question a également un impact.« Ce sont moins les événements en tant que tels qui peuvent influer sur les opinions des individus, que la manière dont ils sont “cadrés” par les élites politiques, sociales et médiatiques. Les responsabilités de ces dernières sont donc particulièrement importantes pour donner le ton, imposer un récit dominant », écrit par exemple la CNCDH dans son rapport 2018. Les discours politiques, ceux des journalistes ou des experts, donnent le « ton » du moment qui se traduit dans les enquêtes d’opinion, en influençant les plus hésitants.

Ces données livrent deux grands enseignements. Premièrement, les discours xénophobes ont une emprise moins importante sur les valeurs profondes des Français qu’on ne pourrait le croire, vu leur amplification médiatique. Deuxièmement, à l’évidence, le succès croissant de l’extrême droite dans notre pays repose sur bien d’autres facteurs que le rejet de l’autre, notamment sur les attentes fortes dans le domaine des inégalités sociales et du travail.

Extrait de « Les Français se disent de moins en moins racistes », Centre d’observation de la société, septembre 2023.

Affiche réalisée par Bryan Maillot, Ulrich Mimboe, Valens Lindor, Inès Bouzekri et Mansour Mamouni dans le cadre du Prix « Jeunesse pour l’égalité » - Lauréats 2014 de la catégorie 11-15 ans.


[1La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, année 2022, Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), Documentation française, juillet 2023.

[2Questions telles que : « Les musulmans sont-ils des Français comme les autres ? », « L’immigration est-elle la principale cause de l’insécurité ? », etc.

[3Voir par exemple : « La crispation hexagonale », Vincent Tiberj, Fondation Jean-Jaurès, 2008.

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Date de première rédaction le 29 octobre 2019.
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