Analyse

Les dépenses contraintes, un effort différencié selon les ménages

Les dépenses contraintes pèsent plus lourd sur les budgets des plus modestes, ce qui réduit leurs marges de manœuvre. Après des décennies de hausse, la part du revenu consacré au logement se stabilise depuis dix ans. Extrait du Centre d’observation de la société.

Publié le 4 juillet 2024

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Modes de vie Consommation

La part des dépenses contraintes [1] dans le revenu des ménages est passée de 13 % au début des années 1960 à 28 % en 2022, selon l’Insee. Ces dépenses comprennent les frais de logement, les assurances et services financiers, les dépenses de télécommunications et télévision, ainsi que les frais de cantine scolaire. La hausse a surtout eu lieu des années 1960 jusqu’au milieu des années 1980 : le taux est alors multiplié par plus de deux, de 12 % à 26 % entre 1959 et 1985. Il est relativement stable depuis plus de dix ans maintenant.

Revenus après impôts et prestations sociales.
Lecture : les dépenses contraintes des ménages représentent 28,1 % de leur revenu pour l'année 2022.

Source : Insee – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Les niveaux de vie ont augmenté nettement en France jusqu’aux années 2000. Le niveau de vie médian a été multiplié par deux depuis les années 1970, une fois l’inflation déduite. Une partie de cette hausse a été grignotée par des postes de dépenses que l’on ne peut guère modifier. Elles sont contraintes, mais elles financent l’accès à des biens et services qui améliorent le quotidien : les logements sont de meilleure qualité, on est mieux couverts par des assurances, on peut communiquer partout à tout moment (téléphone mobile), etc.

Parmi les dépenses contraintes, c’est surtout le logement qui plombe le pouvoir d’achat des ménages. La part des assurances (automobile, responsabilité civile, etc.) a triplé entre le milieu des années 1960 et la fin des années 1980, de 3 % à 6 % des revenus, puis elle est revenue à 3 %. Celle de la télévision et des télécoms s’est accrue jusqu’à 3 % au début des années 2000, mais est retombée à 2 % en 2019 avec la baisse du coût des forfaits de téléphonie mobile. En revanche, les dépenses de logement n’ont quasiment jamais cessé de s’élever jusqu’au début des années 2010, de 9 % à 23 % du budget des ménages, du fait de la hausse des loyers, mais aussi de celle des prix de l’électricité, du gaz et de l’ensemble des autres charges liées à l’habitation. Cette progression correspond pour partie à une amélioration de l’habitat (donc à un effet de qualité) mais aussi à un enrichissement des bailleurs : à qualité équivalente, les loyers ont augmenté. Une partie de l’élévation des revenus des ménages a ainsi été absorbée par le coût du logement.

Revenu des ménages après impôts et prestations sociales.
Lecture : 31,5 % des revenus des 20 % les plus pauvres sont consacrés à des dépenses contraintes.

Source : Insee – Données 2017 – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

La hausse des dépenses contraintes n’a pas le même effet selon les niveaux de vie. Pour les 20 % du bas de l’échelle des revenus, ces dépenses représentent près du tiers de leur revenu, contre moins d’un cinquième pour les 20 % les plus riches, selon une étude de l’Insee [2](données 2017, les dernières disponibles). «  Pour les ménages les plus modestes, les choix de consommation sont plus contraints », résument les auteurs. Et encore, la tranche des 20 % des plus modestes est une fourchette très large. Pour les plus démunis d’entre eux, la part du budget contraint, notamment le loyer, est bien plus élevée et, pour certains, ce qui reste à la fin du mois est quasiment nul. L’effet est encore renforcé chez les jeunes qui vivent dans les grandes métropoles – notamment à Paris – qui subissent des coûts de logement très supérieurs à la moyenne.

Dans les années récentes, la part des dépenses contraintes a légèrement diminué, de 30 % en 2013 à 28 % en 2022. Elles ont augmenté au même rythme que celui des revenus, et même, pour le logement, un peu moins vite. Assiste-t-on à un plafonnement durable de ce type de dépenses ? Il faut tout de même noter que les mécanismes qui empêchaient les hausses des tarifs du gaz et de l’électricité ont joué jusqu’en 2023. La situation risque d’être différente à partir de 2024. Par ailleurs, le taux global de dépenses contraintes dans le revenu des ménages constitue une moyenne : il est possible que la situation se soit améliorée pour certains et dégradée pour d’autres, ce que les données de l’Insee ne permettent pas de savoir.

Revenu brut disponible des ménages, soit après impôts et versement des prestations sociales.
Lecture : les dépenses contraintes pour les services de télévision et télécommunications représentent 2 % du revenu brut des ménages en 2022.

Source : Insee – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Cet article est extrait de « Les dépenses contraintes des ménages se stabilisent depuis dix ans », Centre d’observation de la société, 22 mars 2024.


[1L’Insee utilise l’expression « dépenses pré-engagées » car d’autres dépenses sont contraintes : on ne peut pas non plus éviter de s’alimenter, de se vêtir, de se soigner, etc.

[2« Plus d’épargne chez les plus aisés, plus de dépenses contraintes chez les plus modestes » Jérôme Accardo et Sylvain Billot, Insee Première, n° 1815, septembre 2020.

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Date de première rédaction le 14 mai 2021.
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