Faute de données statistiques, il n’est pas simple de savoir combien de personnes ont les conditions de vie les plus difficiles. Pour tenter d’évaluer le phénomène, on dispose de quelques éléments [1].

Tout d’abord, si l’on considère les revenus, en France, 2,3 millions de personnes – soit 3,7 % de la population – vivent avec au mieux 811 euros par mois pour une personne seule, soit 40 % du niveau de vie médian, selon les données 2022 de l’Insee. Malheureusement, on ne sait pas combien de personnes vivent avec 300 ou 400 euros par mois par exemple (sous le niveau du RSA). Par ailleurs, l’Insee a estimé en 2021 que deux millions de personnes étaient en situation de grande pauvreté. Il s’agit de personnes dont le niveau de vie était inférieur au seuil de pauvreté à 50 % et qui, en même temps, déclaraient un grand nombre de privations matérielles. Cette étude n’a pas été reproduite depuis.

Un peu plus de quatre millions de ménages doivent se contenter de minima sociaux pour vivre, soit 6,9 millions de personnes si l’on inclut les conjoints et les enfants, selon le ministère des Solidarités (données fin 2021).

Pour manger, entre deux et quatre millions de personnes ont eu recours à l’aide alimentaire distribuée par des associations en 2021, selon une étude de l’Insee [2]. D’après le Crédoc, 15 % des ménages (soit l’équivalent de dix millions de personnes) indiquent qu’au moins une personne a eu au moins une fois recours dans l’année à la distribution de paniers alimentaires gratuits par une association [3]. Cela ne veut pas dire que dix millions de personnes se nourrissent seulement via ces associations mais qu’une part non négligeable de la population y a recours au moins occasionnellement.

La Fondation Abbé Pierre évalue à 2,2 millions le nombre de personnes qui vivent dans un habitat dégradé. Parmi elles, 1,9 million réside dans des logements très inconfortables et 100 000 dans des habitats de fortune (cabane, camping, etc.). La Fondation dénombre par ailleurs 330 000 personnes qui vivent ou dorment dans des centres d’hébergement. Il faudrait y ajouter les habitants des bidonvilles et des sans-abri mais ils ne sont plus dénombrés par l’Insee.

Notre pays protège mieux que bien d’autres de la grande pauvreté. Il n’en demeure pas moins que des dizaines de milliers de personnes vivent dans des conditions indignes. Ces situations sont vécues d’autant plus violemment que cette misère persiste au cœur d’une société où les niveaux de vie sont très élevés, où les conditions de logement se sont améliorées au cours des dernières décennies, et où l’accès à la consommation s’est largement diffusé.

Photo / Mario Scheibl, Unsplash

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