Questions clés

Peut-on justifier les inégalités de salaires ?

Les inégalités de salaires sont largement acceptées. Mais jusqu’où ? À partir de quel niveau deviennent-elles injustes et nous choquent-elles ?

Publié le 5 janvier 2021

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Revenus Salaires

Les inégalités de salaires sont importantes en France. Les cadres supérieurs touchent en moyenne 2,5 fois plus que ce que perçoivent les employés (renvoyer à l’article). Ces moyennes masquent des inégalités bien plus grandes : les cadres dirigeants touchent dix ou vingt fois plus que les salariés de base, parfois beaucoup plus.

Le principe des inégalités de salaires est très largement accepté dans notre société. Ces écarts sont-ils justes ? Il n’existe aucune définition objective pour cela, il s’agit toujours d’une question de jugement de valeur. Et ce jugement repose en grande partie sur l’idée que l’on se fait du mérite et de la récompense de l’effort personnel.

Ce mérite n’est pas lié au « travail » proprement dit car personne ne peut prétendre qu’un maçon du bâtiment, qui s’use sur les chantiers, « travaille » moins qu’un cadre d’une grande entreprise. Pourtant, il est bien moins payé. Le travail physique est mal récompensé – particulièrement en France – à l’inverse du travail intellectuel. Il ne peut s’agir non plus de compenser par un meilleur salaire les pertes de revenus dues aux années d’études puisque les mieux rémunérés vont rattraper ce manque à gagner en très peu de temps une fois insérés dans la vie professionnelle. La concurrence internationale parfois évoquée pour justifier les hautes rémunérations joue un rôle très faible puisqu’un grand nombre de professions, celles justement aux salaires élevés, en sont totalement protégées (médecins, avocats, chirurgiens, etc.).

Les écarts de salaires résultent davantage d’un rapport de force sur le marché du travail. L’offre et la demande s’y confrontent et la rareté de certains profils fait monter ou baisser le prix du travail, le salaire. Les mieux payés sont ceux sont les plus recherchés, souvent les plus diplômés. Leur salaire récompense leur mérite scolaire. Sauf que ce dernier est en partie une illusion tant la réussite scolaire est liée au milieu social d’origine, dès les petites classes. Pour faire vite, les salariés les mieux payés le doivent souvent au fait d’être nés dans une famille favorisée.

Ce rapport de force sur le marché du travail fait l’objet de luttes. Les syndicats mettent en avant le travail de ceux qu’ils représentent, souvent les moins qualifiés. Mais les professions les mieux payées sont beaucoup mieux organisées collectivement pour défendre leurs intérêts et légitimer leur position. En entretenant notamment les croyances en la valeur des diplômes et le mérite scolaire. Une partie de leur argumentation consiste aussi à mettre en avant un nombre d’heures de travail très élevé alors qu’une heure de « travail » des plus qualifiés est beaucoup moins contraignante que celle de la plupart des non-qualifiés.

Bref, pour comprendre les inégalités de salaires et savoir si elles sont justes ou pas, il faut s’intéresser aux discours sur le mérite des uns et des autres. Prendre un peu de recul est tout à fait passionnant. Pour cela, l’exemple des médecins est très parlant. La moindre remarque sur le niveau de vie très élevé de certains spécialistes se heurte très vite à une vague de réprobation – avec en tête l’argument du nombre d’années d’études nécessaires pour atteindre cette position – et qui ne vient pas seulement des intéressés : tout l’art de ceux qui se situent en haut de l’échelle est de se faire défendre par les catégories inférieures. Dans le même ordre d’idée, vous ne lirez pas un portrait de dirigeant ou de cadre supérieur dans la presse sans que cet article souligne l’ampleur de sa tâche et ses horaires de travail.

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Date de première rédaction le 6 septembre 2019.
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