Riches et pauvres, inégaux dans la capacité à polluer
Les 10 % des ménages les plus riches ont une empreinte carbone de 40 tonnes de gaz à effet de serre en équivalent CO2 par an, tandis que les 10 % les plus pauvres en émettent 15 tonnes. Le mode de vie des plus riches contribue davantage au réchauffement climatique.
Publié le 22 décembre 2022
https://inegalites.fr/emissions-co2 - Reproduction interditeLes ménages situés parmi les 10 % les plus riches émettent 40 tonnes d’équivalent CO2 par ménage et par an en moyenne en France, contre 15 tonnes pour les 10 % les plus pauvres selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) [1]. Le mode de vie des plus aisés produit 2,7 fois plus de gaz à effet de serre [2] dans l’atmosphère que celui des plus défavorisés et contribue donc beaucoup plus au réchauffement de la planète.
Les transports, le logement et le chauffage sont les principales causes d’émissions de gaz à effet de serre. Ce sont d’abord des émissions directes : du dioxyde de carbone est notamment émis dans l’atmosphère chaque fois que de l’essence est brulée par un moteur de voiture, ou bien du gaz ou du bois dans une chaudière, par exemple. Plus on est riche, plus on dispose d’un logement spacieux qu’il faut chauffer. On se déplace davantage en voiture et on prend plus souvent l’avion aussi. De manière indirecte, la construction des logements met également en jeu de grandes quantités d’énergies fossiles, pour le transport des matériaux, par exemple.
L’alimentation est le quatrième poste d’émissions de gaz à effet de serre des ménages. La viande, notamment, nécessite la production d’aliments pour le bétail, généralement à grand renfort d’engrais chimiques. Tout comme les fumiers issus de l’élevage, les engrais dispersent dans l’air du protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre puissant. Mais l’alimentation joue beaucoup moins dans les écarts entre riches et pauvres en ce qui concerne l’empreinte carbone : même lorsqu’ils gagnent quatre fois plus, les riches ne mangent pas quatre fois plus que les pauvres.
Certains éléments du mode de vie des riches jouent en sens inverse : les plus riches ont les moyens d’adopter une consommation « écoresponsable ». Ils peuvent disposer de logements mieux isolés ou de véhicules moins gourmands. Et puis ils consacrent une part notable de leurs revenus à l’épargne et non à la consommation, au contraire des personnes au budget plus restreint.
Mais ces réserves ne suffisent pas à égaliser les émissions de gaz à effet de serre, montre l’étude de l’OFCE. Au total, les émissions de gaz à effet de serre augmentent avec le revenu, même si c’est un peu moins vite que la progression des revenus. Tout en haut de l’échelle des revenus, le mode de vie hors du commun d’un milliardaire, avec ses jets et hélicoptères, aurait un impact de plus de 8 000 tonnes de CO2 par an selon le chiffrage réalisé pour les 20 personnes les plus riches du monde [3]. Mais les milliardaires sont si peu nombreux que les classes aisées ont un impact bien plus massif au total.
Ces données sont des estimations. On connait la répartition des revenus en France, mais le calcul des émissions de gaz à effet de serre ne peut être que le résultat d’approximations. On ne connait pas par le menu l’alimentation des riches et des pauvres par exemple, mais seulement les grands postes de leurs budgets respectifs. En outre, les données utilisées par l’auteur de l’étude remontent à 2011, l’usage de l’avion et l’isolation des logements notamment ont évolué depuis. Pris comme des ordres de grandeur, ces travaux montrent les écarts de mode de vie entre catégories sociales et leurs empreintes carbone très différentes. Ils montrent aussi qu’il ne serait ni juste ni possible d’attendre les mêmes efforts en termes de réduction d’émissions des pauvres et des riches.
Empreinte carbone selon le niveau de vie Unité : tonnes de gaz à effet de serre en équivalent CO2 par ménage et par an | ||
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10 % les plus pauvres | 10 % les plus riches | |
Émissions directes (carburant, chauffage) | 2,1 | 6,4 |
Émissions liées à la production des biens et services consommés | 6,2 | 19,8 |
Émissions liées à l’extraction des matières premières | 3,4 | 10,6 |
Émissions liées à l’usage des services publics | 3,5 | 3,5 |
Émissions totales | 15,2 | 40,4 |
Source : Paul Malliet, OFCE-Sciences Po – Données 2011 – © Observatoire des inégalités
Photo / CC Ashim Da Silva
[1] « L’empreinte carbone des ménages français et les effets redistributifs d’une fiscalité carbone aux frontières », Paul Malliet, Policy brief 62, OFCE, 9 janvier 2020.
[2] Effet de serre : le rayonnement solaire traverse l’atmosphère et chauffe la Terre. La Terre renvoie une partie de ce rayonnement vers l’espace. Les gaz à « effet de serre » présents dans l’atmosphère limitent ce rayonnement renvoyé. Résultat : la Terre se réchauffe.
[3] « The outsized carbon footprints of the superrich », Beatriz Barros et Richard Wilk, Substainability : Science, Practice and Policy, 2021.
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