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Les inégalités sociales, de l’école primaire à la fin du collège

Dès le primaire, les enfants d’origine sociale défavorisée obtiennent en moyenne de moins bons résultats que les enfants de cadres. On retrouve ces écarts au collège et ils déterminent l’orientation de fin de troisième.

Publié le 1er septembre 2023

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Éducation Catégories sociales Système scolaire

Dès le plus jeune âge, les résultats des élèves sont liés en partie au milieu social de leurs parents. Les écarts se creusent au fil de la scolarité car le système scolaire français cherche davantage l’excellence d’une minorité de très bons élèves qu’à tirer vers le haut les enfants en difficulté. Pour le comprendre, observons ce qui se passe au fil des années, dès le CP et jusqu’en classe de seconde.

On manque de données récentes sur l’école maternelle. On sait que les tout-petits ont une maitrise inégale du vocabulaire, par exemple. Sur 100 mots proposés, les enfants de deux ans dont la mère avait un niveau de fin de troisième en connaissaient 70, contre 80 pour ceux dont la mère avait au moins une licence (données Ined 2011) [1]. L’apprentissage précoce en France de la lecture creuse les inégalités dès le plus jeune âge.

En CE1 (graphique 1), 27,9 % des élèves inscrits dans les écoles des territoires où les difficultés sociales sont les plus grandes (réseaux d’éducation prioritaire +) ont un niveau satisfaisant en résolution de problèmes mathématiques, contre 50,1 % des élèves des écoles situées hors de ces territoires (ministère de l’Éducation nationale, données 2023). 47 % des premiers ont une bonne compréhension des mots à l’oral contre 79,7 % des seconds [2]. Une partie des écarts est déjà constituée.

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La suite de la scolarité ne permet pas aux moins favorisés de rattraper les autres. Au cours du primaire, les enfants de milieux privilégiés progressent davantage, comme le montre une étude du ministère de l’Éducation nationale qui a suivi les mêmes élèves du CP (en 2011) au CM2 (en 2016). Parmi le groupe des enfants au niveau scolaire le plus faible, seulement 16,1 % de ceux dont les parents sont défavorisés (voir encadré) ont connu une évolution très positive de leur niveau en mathématiques arrivés en CM2, contre 45 % pour ceux des milieux favorisés (graphique 2). 58 % des premiers sont restés dans le groupe des plus faibles, soit deux fois plus que les seconds (27,5 %). Pour l’évolution des résultats en français entre le CP et le CM2, le constat est similaire.

Arrivés en sixième (graphique 3), 98 % des enfants des milieux favorisés ont une maitrise satisfaisante ou très bonne des compétences demandées en français contre 76 % des enfants de milieux défavorisés. En mathématiques, l’écart est spectaculaire : 91 % des jeunes favorisés maitrisent les compétences contre seulement la moitié des jeunes de milieux défavorisés.

Une partie des élèves en difficulté sont inscrits dès la sixième en section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa). Les enfants de classes populaires (ouvriers, employés et inactifs) représentent la moitié des effectifs au collège, mais plus de 80 % des élèves des Segpa (données 2023, voir le tableau 1 ci-dessous). On ne compte dans cette filière que 2 % d’enfants de cadres supérieurs, dix fois moins que leur poids (23 %) dans la population totale des élèves. De la sixième à la seconde (graphique 3), l’écart de niveau en français et en mathématiques entre les 20 % d’enfants de milieux favorisés et les 20 % d’enfants défavorisés s’accroit même légèrement.

La sélection se faisait autrefois en fin de primaire, après le fameux « certificat d’études » qui signifiait pour beaucoup la fin de la scolarité. Elle s’effectue désormais pour l’essentiel en fin de troisième, au moment du passage entre le collège et le lycée. Les enfants d’ouvriers et de cadres supérieurs représentent les mêmes proportions au collège, 23 % pour chaque catégorie. En seconde générale et technologique, les premiers ne sont plus que 17,9 %, mais ils constituent 31 % des jeunes inscrits en CAP et en bac pro. Les seconds constituent 31 % des jeunes de seconde générale et technologique, et seulement 4,8 % de ceux de CAP et 9 % des bacs pro. Ces différences de composition sociale sont liées aux résultats scolaires, mais aussi au fait qu’à niveau équivalent, les élèves de catégories populaires sont plus souvent orientés dans l’enseignement professionnel que les enfants des cadres supérieurs.

Peut mieux faire

Les inégalités selon les milieux sociaux se creusent bien avant le supérieur. L’école « n’augmente pas » les inégalités : sans elle, les écarts seraient bien plus important. L’école doit faire face à des inégalités de niveau de vie et de diplôme des parents. En revanche, notre système d’éducation est très loin de faire les efforts qu’il faudrait pour faire davantage progresser les enfants des milieux les moins favorisés. Il place très vite les enfants en situation d’échec ou de réussite, contrairement à beaucoup d’autres pays.

Le collège constitue un point de bascule. La coupure marquée avec le primaire dans la façon d’enseigner, la forme des enseignements (calqués sur le lycée, lui-même préfigurant l’université), la fréquence des évaluations et bien d’autres facteurs désavantagent les enfants défavorisés. Une partie des jeunes décrochent alors et attendent l’âge de fin de la scolarité obligatoire, faute d’avoir été assez soutenus. En fin de troisième, un certain nombre de jeunes de milieux populaires se retrouvent « orientés » contre leur gré vers des filières qui mènent trop souvent à des emplois peu qualifiés et sous-rémunérés, et à un avenir qu’ils n’ont pas souhaité.

Le système scolaire français a pour objectif de sélectionner une minorité de très bons élèves et de les porter vers les écoles d’excellence de l’enseignement supérieur, via les classes préparatoires. Pas de tirer l’ensemble des enfants vers le haut en ne laissant aucun élève sur le bord du chemin, contrairement à ce que tente de faire l’école dans la plupart des pays. L’école française, pourtant très majoritairement publique, fonctionne sur le modèle du marché, sur la base de la concurrence entre enfants. C’est pour cette raison que les différents « dispositifs » n’aboutissent guère, même avec la meilleure volonté du monde, à élever le niveau et réduire les inégalités. Pour cela, il faudrait changer la philosophie même de notre système éducatif.

Tableau 1

Proportion d'élèves présentant une maitrise satisfaisante en début de CE1
Unité : %
Écoles publiques hors éducation prioritaire
*REP +
Écart
Français
Ecrire des mots73,761,911,9
Comprendre des mots à l'oral79,747,032,7
Mathématiques
Additionner61,947,714,2
Résoudre des problèmes50,127,922,2
*REP + : territoires les plus défavorisés de l'éducation prioritaire.
Lecture : 47 % des élèves de CE1 des écoles en REP + ont une maitrise satisfaisante de la compréhension des mots à l'oral, contre 79,7 % des écoles publiques hors éducation prioritaire.

Source : ministère de l'Éducation nationale – Rentrée 2023 – © Observatoire des inégalités

Graphique 2

Il s'agit d'un suivi des élèves entrés au CP en 2011 et donc en CM2 en 2016.
Lecture : parmi les élèves qui avaient le niveau le plus faible en CP, 16,1 % ont une évolution très positive de leur niveau en CM2.

Source : ministère de l'Éducation nationale – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Graphique 3

Lecture : 98 % des élèves de sixième appartenant aux 20 % les plus favorisés socialement ont une bonne ou une très bonne maitrise en français.

Source : ministère de l'Éducation nationale – Données 2021 – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Tableau 2

L’origine sociale des élèves du second degré
Segpa
Collège
Seconde générale
CAP
Bac pro
Agriculteurs0,91,41,20,61
Artisans, commerçants, chefs d’entreprise6,810,911,17,29,8
Cadres supérieurs2,422,831,34,89,0
Professions intermédiaires5,712,513,78,111,5
Employés15,516,616,217,319,2
Ouvriers35,123,317,931,031,4
Retraités1,30,91,31,81,8
Inactifs32,211,57,329,216,4
Total100100<100100100
Lecture : En 2024, 31 % des élèves de CAP sont des enfants d'ouvriers.

Source : DEPP – Données 2023-2024 – © Observatoire des inégalités
Le regroupement des catégories sociales du ministère de l’Éducation nationale
Le ministère de l’Éducation nationale regroupe les catégories socioprofessionnelles en quatre classes :

  • très favorisée : chefs d’entreprise de dix salariés ou plus, cadres et professions intellectuelles supérieures, instituteurs, professeurs des écoles ;
  • favorisée : professions intermédiaires, retraités cadres, retraités des professions intermédiaires ;
  • moyenne : agriculteurs exploitants, artisans et commerçants (et retraités correspondants), employés ;
  • défavorisée : ouvriers, retraités ouvriers et employés, inactifs (chômeurs n’ayant jamais travaillé, personnes sans activité professionnelle).

Photo / © Skynesher


[1Voir « Inégalités socioéconomiques dans le développement langagier et moteur de l’enfant dès deux ans », Sébastien Grobon, Lidia Panico, Anne Solaz, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 8 janvier 2019. Enquête menée en 2011.

[2Ces données portent sur des écoles et non des élèves. Elles minimisent les écarts, car les écoles de l’éducation prioritaire ne sont pas exclusivement composées d’élèves de milieux défavorisés, de même que les écoles hors éducation prioritaire comprennent une grande part d’élèves défavorisés.

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Date de première rédaction le 18 novembre 2010.
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