5 millions de riches en France
Cinq millions de personnes gagnent plus du double du niveau de vie médian, soit 3 470 euros pour une personne seule. Environ dix millions de personnes vivent au sein de ménages qui possèdent plus du triple du patrimoine médian, soit une fortune d’au moins 490 000 euros. En vingt ans, le niveau de vie et le patrimoine des 10 % les plus riches se sont accrus. Synthèse et chiffres-clés du Rapport sur les riches en France de l’Observatoire des inégalités.
Publié le 9 juin 2020
https://inegalites.fr/5-millions-de-riches-en-France - Reproduction interditeSelon nos estimations, un peu plus de 5 millions de personnes vivent au-dessus du seuil de richesse, seuil que nous proposons de situer au double du niveau de vie médian, soit 3 470 euros par mois après impôts, pour l’équivalent d’une personne seule. Elles représentent 8,2 % de la population. En France, les riches sont aussi nombreux que les pauvres (8 % de la population vit avec moins de 867 euros [1]), coïncidence étonnante. C’est en tous cas l’une des conclusions inédites de nos estimations qui permettent d’avoir une vision globale de la distribution des revenus dans notre pays.
Notre seuil de richesse de 3 470 euros n’est qu’un seuil d’entrée dans le club des privilégiés. Au-delà, les chiffres s’envolent. En moyenne, les personnes situées entre les 10 % et le 1 % les plus riches ont un niveau de vie équivalent à 5 000 euros par mois avant impôts. Le 1 % le plus riche reçoit près de 15 000 euros en moyenne. Quant aux ultra-riches habitués des classements des magazines, leurs revenus dépassent un million d’euros par mois pour une poignée de « grands patrons » et de stars du football. Oui, les riches sont très riches en France, même après avoir payé leurs impôts. Ils le sont même plus qu’ailleurs en Europe : hormis la Suisse, la France est le pays où le 1 % le plus aisé a le niveau de vie le plus élevé.
L'échelle des revenus des riches | |||
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Niveau de vie mensuel minimum en euros | Nombre de riches | Part des riches dans la population en % | |
Catégories aisées de l'Insee* | 3 070 | 6,8 millions | 10,9 |
Revenu minimum des 10% les plus riches | 3 184 | 6,3 millions | 10,0 |
Double du niveau de vie médian | 3 470 | 5,1 millions** | 8,2** |
Revenu minimum des 5 % les plus riches | 3 950 | 3,2 millions | 5,0 |
Revenu minimum du 1% le plus riche** | 6 650 | 630 000 | 1,0 |
Revenus de 100 000 euros par an | 8 333 | 500 000* | 0,8* |
Revenu minimum du 0,1 % le plus riche*** | 14 800 | 63 000 | 0,1 |
Revenu minimum du 0,01 % le plus riche*** | 38 500 | 6 300 | 0,01 |
Source : calculs de l'Observatoire des inégalités d'après l'Insee – Données 2017 – © Observatoire des inégalités
Plus d’un million de millionnaires en France
La richesse peut se définir par les revenus, mais aussi en fonction du niveau de patrimoine (immobilier, dépôts bancaires, actifs financiers, etc.). Sur l’échelle de la fortune, 23 % des ménages détiennent au moins le double du patrimoine brut [2] médian, c’est-à-dire plus de 320 000 euros, et 16 % des ménages possèdent au moins le triple, soit plus de 490 000 euros. Nous considérons cette dernière valeur comme le seuil de richesse en termes de patrimoine. 4,6 millions de ménages possèdent davantage.
Encore plus qu’en termes de revenus, les inégalités sont grandes chez les riches en patrimoine. Pour entrer dans les « hauts patrimoines », définis par l’Insee comme les 10 % les plus fortunés, il faut posséder au moins 607 700 euros de biens. 2,9 millions de ménages ont ce privilège, ce qui représente probablement environ six millions de personnes. Plus haut dans la hiérarchie des patrimoines, notre pays compte 1,2 million de millionnaires (4 % des ménages). Au sommet, on atteint des sommes difficilement concevables. Même après le choc boursier de mars 2020 dû au Covid-19, Bernard Arnault et sa famille restent à la tête d’une fortune démesurée de 70 milliards d’euros, selon le dernier classement du magazine Forbes. L’actionnaire majoritaire du groupe LVMH possède ainsi l’équivalent de la valeur de l’ensemble des logements de la ville de Toulouse.
L'échelle des fortunes | |||
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Patrimoine minimum en euros | Nombre de ménages fortunés* | Part dans l'ensemble des ménages en % | |
Double du patrimoine médian | 320 000 | 6,7 millions | 23 |
Triple du patrimoine médian | 490 000 | 4,6 millions | 16 |
10 % les plus fortunés | 607 700 | 2,9 millions | 10 |
Millionnaires | 1 000 000 | 1,2 million | 4 |
Grandes fortunes (imposées à l'ISF en 2017) | 1 300 000 | 358 000 | 1,2 |
1 % le plus fortuné | 1 914 600 | 290 000 | 1 |
Source : Observatoire des inégalités d'après l'Insee et le ministère des Finances – Données 2018 sauf pour l'ISF (2017) – © Observatoire des inégalités
Concrètement, cela donne quoi d’être riche ? |
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Nous montrons dans ce rapport comment, concrètement, se traduit la richesse. Rien de tel que d’avoir beaucoup d’argent pour bien se loger, sans doute l’élément premier du confort matériel d’aujourd’hui. On pourrait définir comme riche celui qui dispose d’une habitation d’au moins 60 m2 pour lui tout seul, ce qui est loin d’être la norme. Ou celui qui bénéficie des meilleurs équipements, comme une voiture de luxe par exemple : environ 10 % de la population est équipée d’une berline haut ou très haut de gamme. On pourrait aussi y ajouter le fait de se faire servir (avoir une personne qui fait le ménage chez soi), de pouvoir partir en vacances, de pratiquer des loisirs coûteux, etc. Des exemples choisis de manière totalement arbitraire parmi beaucoup d’autres. Notre définition peut encore être élargie. Être riche dans une société où l’insécurité sociale augmente, c’est par exemple avoir un emploi peu menacé par le chômage à court terme. C’est aussi contrôler son temps, son travail. Ne pas être lié à des ordres permanents ou dictés par une machine. C’est aussi avoir un bon réseau de relations, d’amis, de collègues, ou familial, sur lequel on peut compter en cas de difficultés. Enfin, le diplôme est assurément un critère qui garantit le plus souvent une bonne position sociale, et que l’on peut transmettre à ses enfants dans un système éducatif inégalitaire. En la matière aussi, la richesse appelle la richesse. |
Comment évolue la richesse en France ?
L’Insee ne fixe pas de seuil de richesse. Il est donc impossible de dire avec précision comment évolue le nombre de riches dans notre pays. En termes de revenus, une étude de l’institut statistique révèle cependant que le nombre de personnes « aisées » (qui perçoivent au moins 1,8 fois le niveau de vie médian) est passé de 6,7 millions en 1996 à 6,8 millions en 2014. Un nombre plutôt stable, d’autant que la population française a légèrement augmenté sur la période.
En termes de patrimoine, l’évolution du nombre de ménages fortunés est tout aussi opaque, nous le regrettons. Seule certitude : le nombre de grandes fortunes augmente. La publication des chiffres sur les foyers fiscaux redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune permet de l’affirmer, du moins tant que les règles fiscales restent stables [3]. Le nombre de redevables de l’ISF a été multiplié par 2,8 entre 1999 et 2010. Entre 2011 et 2017, la progression a été plus lente, mais de 22 % en cinq ans tout de même.
Les riches se sont enrichis. Tout d’abord, ils gagnent plus. Si le nombre de personnes aisées est stable, il n’en va pas de même pour le montant de leurs revenus. Les riches se sont éloignés des classes moyennes en 20 ans. En 1996, l’écart entre le niveau de vie médian de la population et le niveau de vie moyen des 10 % les plus riches était de 27 800 euros annuels. En 2017, il était de 36 300 euros. L’écart s’est creusé de près de 8 500 euros annuels.
Ensuite, les riches possèdent plus. Le patrimoine moyen des 10 % les plus fortunés a plus que doublé : il est passé de 553 000 euros à 1,2 million d’euros entre 1998 et 2010, hors endettement. Depuis 2010, l’envolée s’est calmée. Entre 2010 et 2018, ce montant n’a augmenté « que » de 36 000 euros, une « petite » somme vue du haut de l’échelle, mais non négligeable pour la grande majorité de la population.
Les données de ce rapport s’arrêtent en 2018, faute de mieux. Depuis, que s’est-il passé ? Les mesures prises par la nouvelle majorité ont été très favorables aux plus aisés. L’impôt de solidarité sur la fortune a été taillé en pièces et l’imposition des revenus financiers fortement réduite. Pas moins de cinq milliards d’euros de recettes fiscales ont été perdus chaque année depuis 2018. Les prix de l’immobilier sont repartis à la hausse. Inversement, le choc boursier de mars 2020 a fortement diminué la valeur des actions. De manière générale, le contexte est redevenu plus favorable à la France aisée. Le ralentissement de l’activité économique et la montée du chômage qui s’annoncent vont peser très fortement sur les catégories populaires. Si la France des riches – et pas seulement celle d’une poignée de millionnaires – s’obstine à en vouloir davantage, le fossé risque de se creuser encore.
Portrait des riches en France
Qui sont les riches ? En moyenne, ce sont des personnes plus âgées que l’ensemble de la population. Deux tiers des hauts revenus (les 10 % les plus riches) et 70 % des hauts patrimoines (les 10 % les plus fortunés) ont plus de 50 ans. Lorsqu’elles sont salariées, les personnes les plus aisées sont à 51 % des cadres supérieurs, alors que cette catégorie socioprofessionnelle ne représente que 11 % des 90 % du reste des salariés. Il faut y ajouter les mieux rémunérés des travailleurs indépendants que l’on trouve chez les juristes, médecins, pharmaciens, conseillers financiers, agents immobiliers, etc.
Enfin, parmi les 10 % les plus riches, une personne sur trois vit en région parisienne et une sur dix vit dans la capitale, alors que seulement 16 % des 90 % les plus modestes habitent l’Île-de-France et 3 %, Paris. Certains quartiers de l’ouest de Paris et plusieurs communes des Hauts-de-Seine, Neuilly-sur-Seine en tête, concentrent les plus hauts revenus de France. À Paris comme en province, la grande bourgeoisie sait se réserver des territoires privilégiés.
Illustrations / © Corinne Veron-Durand pour l’Observatoire des inégalités
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Rapport sur les riches en France, première édition – 2020. Sous la direction d’Anne Brunner et Louis Maurin, édition de l’Observatoire des inégalités, juin 2020.
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[1] Seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian. Données 2017.
[2] Sans déduction des dettes.
[3] En 2011, le seuil d’imposition a été relevé de 800 000 euros à 1,3 million, ce qui interdit toute comparaison. En 2018, l’impôt de solidarité sur la fortune a été supprimé et remplacé par un impôt sur la seule fortune immobilière.
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